« Eux pensent avec leur cœur, et il faut que l’on concilie avec notre tête qui est sèche et le cœur qui lui est humide, et il faut que l’on fasse le lien entre les deux, entre le cœur et la tête. »
Jean-Pierre Comtet et Pascal Malherbe dirigent tous deux une entreprise de pompes funèbres. Premier défenseur de la crémation ou dernier de l’inhumation, commerçant et artisan, et contre toute attente chrétien pour le premier et athée pour le second; tout semble les séparer. Pourtant deux choses sont au coeur de leur vie. L’envie de défendre une profession souvent décriée presque maudite et la nécessité de laisser une trace d’un héritage qui risque fort de disparaître.
Ils ont donné leur vie à leur entreprise ou plutôt leur entreprise est leur vie. Une vie tournée autour de la mort, notre plus terrible tabou. Issus tous les deux de familles de croque-morts, ils sont tous les deux sans enfants. Plus proches de la retraite que de leurs débuts, ils exposent jour après jour ce qui fait que “la pompe” n’est plus celle qu’ils ont connu quand ils étaient petits.
Ils nous livrent ici leur testament.
Jean-Pierre Comtet, le précurseur
Jean-Pierre Comtet vit et travaille à Bourg-en-Bresse. Sa connaissance du tissu social de sa ville fait de lui une personne incontournable. Il est un de ces notables, membre du Lions club local. Il a construit son logement à l’intérieur même de son entreprise pour pouvoir être là à tout moment. Là où les personnes attendent d’être enterrées, dans les salons funéraires ou bien dans les réfrigérateurs prévus à cet effet. Pour lui, la mort n’attend pas. Il faut être au plus près au cas où une famille aurait besoin de ses services. Premier à avoir construit un crématorium dans l’Ain, premier à avoir installé des salons funéraires en France, Jean-Pierre Comtet préssent souvent ce que vont être les pratiques du futur et les anticipe.
Pascal Malherbe, l’archéologue
Les pompes funèbres Malherbe sont parmi les deux dernières petites entreprises installées aux portes du cimetière ouest de la ville du Mans. Elles étaient treize auparavant. Le métier évoluant, l’entreprise Malherbe a su s’adapter aux contraintes marchandes tout en gardant une « marque de fabrique » propre au monde artisanal. À la fois artisan-marbrier et pompes funèbres, Pascal Malherbe développe une approche locale du funéraire qui tend à disparaître aujourd’hui. Il prône la pratique de l’inhumation comme étant le témoignage du passage des hommes « en ce bas monde ». C’est un homme attaché aux pierres comme à l’histoire de son métier et de sa famille. Il revient souvent sur la place de l’histoire et notre relation à notre passé. Il pense que le passé, celui de l’inhumation, nourrit le présent, celui de la crémation. Il décrypte un monde qui n’ose plus célébrer ce qui a été et semble avoir les mains libres pour façonner le futur qui lui conviendra. S’il nous ouvre les portes de son cimetière, c’est pour mieux nous présenter le monde d’aujourd’hui.